Le Tir à la corde
Synopsis
Jean commet l’irréparable avec sa fille. Comment un père peut-il en arriver là ? Est-il père ou violeur ? Un homme ou un monstre ? Quarante ans plus tard, il écrit à sa fille car son passé l’obsède. Sans complaisance, il tente de démêler les fils qui l’ont mené au pire. Parviendra-t-il à fendre la mer gelée et à demander pardon ?
Louise a connu l’irréparable il y a des années. Avec lucidité, elle raconte comment les stigmates qu’elle tente de dissimuler l’empêchent de renaître. Est-elle fille ou victime ? Une femme ou une vilaine ? Portée par l’amour de ses proches, elle reconstruit son passé pour regarder sans crainte son avenir : celui de ses enfants et de son mari pour qui elle a trouvé la force de parler.
*
Commencé en 2013, le premier jet du Tir à la corde est achevé en 2016. Retravaillé inlassablement, la version définitive du récit est finalisée début 2021.
Extrait « Jean »
En ce printemps qui venait d’éclore, emprisonné pour deux mois encore entre les murs de cette maudite étable qui avait tenu captives mes pensées durant tout l’hiver, je fus pris d’une profonde angoisse qui m’appela à toi.
Cet hiver-là plus encore que les précédents, tout vint à me dégoûter profondément. Voir ces bêtes dégorger sans cesse ce lait blafard dans le lactoduc ; voir cette crasse collée en permanence sur ces vaches puantes, ces plaques de merde suintant de leurs cloaques béants ; devoir, du bout de la main, le bras entièrement enfoncé dans un gigantesque vagin dégoulinant de merde, libérer la petite quantité de sperme nécessaire dans leurs entrailles – tout ça me répugnait atrocement. Je croyais qu’à la longue, on s’y faisait. Pas moi, je n’y arrivais pas. Les jours passaient, les années tombaient comme les feuilles identiques d’un même arbre malade et le dégoût devint omniprésent, étouffant, incurable.
Le seul remède assez puissant que je trouvai, ce fut toi : regarder ton visage, le soir, après le travail. Mes yeux me suffisaient. Contempler ton innocence, la beauté pure de ta jeunesse, voilà qui arrivait à me faire oublier ces mamelles pendantes et poisseuses, ces clitoris gonflés comme des furoncles qui essayaient de se frotter contre mon tablier et ces litres d’urine et de merde qu’il me fallait nettoyer chaque jour que Dieu faisait. Seules la grâce de ton visage, la finesse de ta silhouette et ces taches de feu sur la pâleur céleste de ta peau pouvaient me faire oublier tout ça. Seul le réconfort d’entrevoir au soir l’ardeur de ta jeunesse et d’imaginer la minceur de tes cuisses et les deux petits boutons rose bonbon comme posés sur ta poitrine, seul l’espoir de retrouver un jour ces choses me réchauffait assez pour que je me lève chaque matin à six heures, que je me saisisse de la pelle et que je charge le fumier sur l’élévateur qui, nuit et jour, emportait un flot ininterrompu d’excréments au dehors de l’étable.
Extrait « Louise »
Portées à bout de bras, deux douzaines de flûtes remplies de champagne, de jus d’orange ou de Champomy se levèrent et s’entrechoquèrent. Recueillant au passage les restes d’une coupe qui ne survécut pas à cet élan vibrant, j’allai en cuisine et fis signe à Thomas et Louis de nous rejoindre. Malgré quelques soucis techniques, malgré le retard de Diane, nous étions à présent tous assis avec un verre et les biscuits apéritifs passaient de main en main.
Refermant le cercle de chaises sur lesquelles nous étions assis, mon père et ma mère veillaient paisiblement sur leurs enfants et petits-enfants ; selon la meilleure tradition, ils posaient un regard plein de sagesse et de bonté sur leur bruyante progéniture. Siégeant ainsi parmi leurs descendants, mes parents me faisaient l’effet d’un roi et d’une reine flanqués de leurs sujets. Je songeai qu’il y avait dans cette image quelque chose d’assez juste, à en juger la force irrésistible qui nous unissait à leurs côtés.
Il n’y avait rien à redire là-dessus : comme le suggérait avec éloquence ce cercle que nous reformions chaque Noël, notre famille était l’image même de la concorde.
Je n’en avais pas d’autre mais je savais bien que c’était quelque chose de rare et de précieux. Nous étions vingt-six et jamais les voix ne s’élevaient. Nous étions vingt-six et, malgré quelques querelles bénignes, jamais personne ne s’élevait pour briser le cercle qui nous unissait tous. Notre famille était l’incarnation de l’harmonie : rassemblés autour de mon père et de ma mère, nous étions aussi solidaires que le sont entre elles – j’exagère à peine – les notes d’une symphonie.
Je me levai et fis tinter mon verre : « Je voudrais dédier ce toast à notre belle famille. » Ce n’était pas dans mes habitudes mais je dois avouer que la chose était plaisante. Toutes les têtes étaient maintenant tournées vers moi :
« Ah ! la famille… C’est dans une famille qu’on grandit, qu’on fait ses premières expériences… »
Je te fixai longuement. Tu faisais semblant de ne pas comprendre mais je sentais bien que ça commençait à t’essorer et te refluer à l’intérieur.
« J’ai une confession à vous faire. Aujourd’hui, je vais vous révéler le secret le mieux gardé de la famille, un secret vieux de trente-cinq ans… »
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Découvrez l’histoire de Michael, un père de famille livreur à Vienne qui doit faire des pieds et des mains pour ne pas perdre l’équilibre (fichier PDF, 50 pages).
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